La Guerre et la Paix
Pierre-Joseph ProudhonJ’ai entrepris de réhabiliter un droit honteusement méconnu par tous les juristes, sans lequel ni le droit des gens, ni le droit politique, ni le droit civil, n’ont de vraie et solide base : ce droit est le droit de la force. J’ai soutenu, prouvé, que ce droit de la force, ou du plus fort, dont le nom est pris chaque jour comme une ironie de la justice, est un droit réel, aussi respectable, aussi sacré que tout autre droit, et que c’est sur ce droit de la force, auquel la conscience humaine, en dépit des divagations de l’école, a cru dans tous les temps, que repose en définitive l’édifice social. Mais je n’ai pas dit pour cela que la force fît le droit, qu’elle fût tout le droit, ni qu’elle fût préférable en tout à l’intelligence. J’ai protesté, au contraire, contre de pareilles erreurs.
J’ai rendu hommage à l’esprit guerrier, calomnié par l’esprit industriel : mais je n’en ai pas moins reconnu que l’héroïsme devait désormais céder la place à l’industrie.
J’ai rétabli la guerre dans son antique prestige ; j’ai fait voir, contre l’opinion des gens de loi, qu’elle est essentiellement justicière ; mais sans prétendre qu’il fallût transformer nos tribunaux en conseils de guerre : loin de là, j’ai montré que, selon toutes probabilités, nous marchons vers une époque de pacification définitive.
Voilà ce que j’ai dit, et que je croyais avoir rendu suffisamment intelligible pour un homme du métier. Il paraît que je me suis trompé.